I) Intérêts des
délocalisations.
A) Les
avantages tant recherchés par les entreprises qui se délocalisent.
En
France, la problématique des délocalisations est pour
l'essentiel née de la concurrence nouvelle d'un petit groupe de pays émergents
au très puissant pouvoir attractif. Sans mésestimer les
transferts d'entreprises vers des pays tels que Madagascar, l'Île Maurice, le
Brésil, le Viêt-Nam, … . Les délocalisations sont principalement orientées vers
quatre zones dotées de forts avantages comparatifs : les PECO, les pays
méditerranéens, l'Inde et la Chine. Souvent présenté comme le critère crucial
de la délocalisation, cette recherche d'avantages comparatifs est un objectif
déterminant pour expliquer l'implantation de certaines entreprises dans
certains pays étrangers. C'est pourquoi, la première et principale raison
invoquée par les entreprises pour justifier une décision de délocalisation est
la recherche d'un meilleur coût de production et notamment la recherche du plus
faible coût salarial. On note que les écarts de coûts salariaux sont
extrêmement variables d'un pays et d'une zone à l'autre. Au sein de l'Union
européenne, la disparité des coûts de main-d'oeuvre incite certaines
entreprises à procéder à des délocalisations intra européennes. Ainsi,
lorsqu'une entreprise française souhaite trouver une main-d'œuvre bon marché en
Europe, elle a la possibilité de se diriger vers le Royaume-Uni, l'Espagne, la
Grèce ou le Portugal. Le lieu de transfert de production varie notamment en
fonction du secteur d'activité des marchés à explorer. De même selon une
enquête réalisée en 2000, le coût du travail en Asie représente moins d’un
dixième de celui d'un ouvrier français.
Indépendamment des coûts salariaux ou de façon
complémentaire, les avantages comparatifs peuvent résulter d'un prix relatif du
capital plus bas sous l'effet conjugué de différents facteurs : aides et
subventions à l'implantation, déductions et avantages fiscaux, prêts à taux
préférentiels, liberté d'utilisation des bénéfices et liberté des mouvements
des capitaux, effets de change, ... Mais que sont les avantages
comparatifs si déterminants dans les
délocalisations ? Ces derniers représentants un réel enjeu dans les
délocalisations, le mieux étant de savoir clairement a quoi cela correspond.
Ainsi, l’expression d’avantages comparatifs est à rattacher au libre-échange.
Elle est d'abord un raccourci pour dire ""loi des avantages
comparatifs"". Cette loi (au sens scientifique du terme, pas au sens
législatif) a été développée par David Ricardo au 19è siècle pour montrer que
tous les pays gagnaient à échanger librement leurs marchandises, leurs facteurs
de production (capital et travail) étant immobilisées à l'intérieur de leurs
frontières.
Pour
Ricardo, puisque tous les pays gagnent à l'échange international et à la
spécialisation qui va avec, il faut absolument agir pour imposer partout le
libre-échange. Aujourd'hui, quand on parle des avantages comparatifs, on
désigne par là les avantages que tel ou tel pays peut mettre en avant et
exploiter dans l'échange international (le coût de sa main d'oeuvre, la
formation de ses ingénieurs, la facilité d'accès aux ressources en matières
premières ...), justement dans la mesure où les autres pays ne les possèdent
pas ou les possèdent à un moindre degré. La discussion sur les avantages
comparatifs a évidemment un enjeu de taille puisque la conclusion que l'on tire
de l'existence de ces avantages comparatifs est la nécessité de se spécialiser
et de mettre en oeuvre le libre-échange. Le débat porte sur les gains à
l'échange, en particulier sur la question de savoir si les gains sont également
répartis entre tous les participants à l'échange mondial. Il n'y a pas
d'indicateur qui permette de mesurer les avantages comparatifs, en général.
Ricardo comparait les coûts des produits en termes de quantité de travail
nécessaire pour les fabriquer. Aujourd'hui, on ne peut plus raisonner ainsi. On
recherche ce qui fonde les différences de coût, mais on ne peut pas réellement
parler d'indicateurs. Ainsi, on comprend mieux quel peut être l’intérêt pour
les entreprises de se délocaliser à l’étranger dans le cadre de la recherche
des meilleurs avantages comparatifs
Les
entreprises recherchent aussi un environnement économique favorable au
développement grâce notamment à l'existence d'infrastructures et d'équipements
de pointe, à la densité des réseaux de communication, à un marché du travail
dynamique, avec une main-d'œuvre qualifiée, la proximité de laboratoires de
recherche, d'universités et de grandes écoles, des systèmes institutionnels
performants etc. Desquels les
entreprises peuvent retirer des effets " d'agglomération " et des
externalités positives substantiels.
Ensuite, les entreprises ont tendance a
se délocalisé afin de pénétrer le marché intérieur des pays où ils
s’installent. La production, au lieu d'être exportée de France vers tel ou tel
pays, est transférée à l'étranger. Développer des projets de délocalisation de
production à l'étranger constitue un gage de croissance à venir dès lors que la
conquête de parts de marché devient le principal enjeu. En effet, la présence
sur un marché important permet :
- de
contourner des barrières tarifaires (" tarif jumping ")
et non tarifaires aux échanges (contrôles d'implantations, normes,
réglementations et législations dans les pays considérés). Mais de plus en plus
d'Etats favorisent les implantations directes sur leur marché par les
politiques dites de " substitution d'importations " qui
visent à utiliser le capital étranger pour développer un appareil industriel
tourné avant tout vers la satisfaction du marché intérieur. La constitution de
blocs régionaux semble, de manière générale, stimuler les implantations
extrarégionales.
- de
mieux connaître le terrain, d'avoir des produits adaptés à la demande locale,
d'améliorer le service client, de réduire les délais etc. En effet, se
rapprocher du client est de plus en plus nécessaire puisque les conditions
actuelles de la concurrence entre firmes rendent essentielles les prestations
commerciales liées à la vente d'un produit. Le choix du consommateur dépend en
effet de plus en plus de critères liés à l'environnement immatériel du produit
surtout lorsqu'il est peu différencié par rapport à celui du concurrent. Dès
lors, les services à la clientèle, en termes d'assistance, de conseil, de
service après-vente, de délais de livraison et la gestion des stocks sont
autant de facteurs incitant l'entreprise à s'installer à l'étranger plutôt qu'à
exporter. En outre, du fait de la différenciation croissante de certains types
de produits, il devient de plus en plus important d'adapter les produits aux
goûts locaux, cela afin de gagner des parts de marché significatives dans les pays
à cultures ou à attitudes mentales plus ou moins proches. L'appréciation des
différences dans les goûts des consommateurs, le degré "d'exotisme"
que requiert tel ou tel produit par rapport à la demande nationale ne peut être
approché que par une présence sur le terrain, qui seule permet de faire réagir
l'offre de manière rapide et de différencier les produits.
- de
rechercher des " avantages géographiques " : cela
consiste en le fait de savoir répartir ses activités de manière à exploiter les
spécificités productives de chaque lieu d'accueil. Cette notion est essentielle
dans le choix de délocalisation pour une entreprise.
Tout de suite après vient le facteur de
la révolution des moyens de télécommunication. En effet, la qualité des
transmissions est excellente, le coût des transmissions est indépendant de la
distance. Par exemple, grâce au réseau mondial Internet, on peut appeler et
échanger des données avec tous les pays du monde pour le modique coût d'une
communication locale. On comprend tout de suite qu'il est aisé et peu coûteux
de délocaliser les services comme la saisie de données et la programmation, et
de communiquer tout simplement avec les usines délocalisées. La communication a
connu une révolution grâce aux transmissions par satellites et autres câbles
sous marins en fibre optique. On peut citer en exemple le " SEA ME WE " :
South East Middle East Western Europe. Ce
réseau relie par 18 000 km de câble 13 pays, 3 continents, ce qui représente
deux milliards de personnes.
Ensuite, les entreprises ont tendance à
se délocaliser dans le but d’obtenir une main d’œuvre plus expérimentée et plus
spécialiser. Cela rejoint la théorie de Ricardo sur les avantages comparatifs.
Ainsi un pays spécialisé dans une industrie telle que le textile sera plus productif
à ce niveau. Il est d’autant plus avantageux pour les entreprises de se servir
de cette main d’œuvre très qualifiée.
De même, les délocalisations peuvent
offrir une alternatives aux entreprise afin d’éviter la faillite. Ainsi, les
coûts étant moins élevés à l’étranger les entreprises peuvent réduire leurs
dépenses afin de maintenir leurs productions pour espérer la survie de la
firme. Les charges étant inférieures par rapport à la France, le coût de la
main d’œuvre aussi inférieur, les entreprises peuvent donc réaliser les
bénéfices qu’elles rechercher désespérément.
Enfin,
les entreprises peuvent se servir du phénomène de délocalisation pour pratiquer
un certain chantage vis-à-vis des pays pour obtenir une zone défiscalisée
c’est-à-dire une zone dans laquelle les industries implantées voient leurs
charges réduites au minimum. Ainsi, la part des bénéfices dans la valeur
ajoutée de l’entreprise se voit rapidement multipliée.
B) Les
avantages tirés par les pays des délocalisations d’entreprises.
Les entreprises ne sont évidemment pas
les seuls bénéficiaires des délocalisations. En effet, les entreprises peuvent,
et ont des intérêts non dissimulés dans les délocalisations. Ainsi, lorsqu’une
entreprise se délocalise pour s’installer dans un pays, le pays d’accueil tire
profit des avantages attribués par l’installation d’une nouvelle entreprise,
c’est-à-dire de la valeur ajoutée créée par cette entreprise quelle recevra
sous formes d’impôts (pesant évidemment moins lourd que dans les pays de départ
cela va de soi). De même, le pays profitera de l’influence de l’entreprise sur
la région pouvant crée un effet de synergie sur les autres entreprise. Cette
entreprise deviendra le « moteur » de la région et dynamisera le
pays. Le pays d’accueil pour ainsi bénéficier d’une certaine forme de publicité
car les autres entreprises pourront prendre exemple et s’installés elles aussi
dans ce pays afin de profiter de la même manière des infrastructures mise en
place lors de l’arrivée de la première entreprise. Cela correspondrai en une
sorte d’investissement qui pourrait stimuler la croissance du pays d’accueil.
Les entreprises délocalisées ont tendance à embaucher dans les pays où elles
s’installent car la main d’œuvre n’est encore pas assez flexible au point de
changer de pays. Ainsi, les pays d’accueil voient leur taux de chômage baisser
par l’arrivée d’une nouvelle entreprise sur son territoire. On voit ainsi que
les délocalisations, tournées vers les pays francophones dans le cas de la
France, on tendance à faire progresser le nombre d’emplois. En effet, le Maroc,
la Tunisie, l’Algérie, l’Ile Maurice et le Sénégal ont accueilli récemment
6.000 emplois délocalisés et mettent en place des offres très séduisantes pour
les entreprises européennes. Le coût salarial y est de 30% à 40% moins cher, la
main-d'œuvre est qualifiée, et surtout le renouvellement du personnel
("turn-over") et l'absentéisme sont très limités (5% à 10%), sans
compter les avantages fiscaux induits par ce type d'implantations. Autant de
facteurs qui tendent à favoriser les délocalisations vers ces pays. Les pays
ainsi font tout ce qui est en leur pouvoir afin de favoriser les
délocalisations. Ainsi, le dumping social du pays d'accueil laisse les mains
particulièrement libres aux entreprises avec un minimum de protection des
travailleurs. Ensuite, le dumping fiscal accorde des avantages fiscaux
particuliers ou des subventions à ceux qui s'installent chez eux et ils sont
nombreux, y compris la France (installation de Euro Disney et de Daewoo par
exemple). L'Irlande, en Europe, est un spécialiste du dumping fiscal. Enfin, le
dumping monétaire qui consiste à jouer la dévaluation de sa monnaie, permet de
se donner un avantage commercial. C'est massivement le cas actuellement des USA
et de la Chine. On considère que le Yuan chinois est sous-évalué d'environ 30 à
40 %. Quant au dollar, il a perdu plus de 25 % de sa valeur par rapport à
l'euro dans la seule année 2003, ce qui signifie que pour conserver le même
niveau de compétitivité, un produit européen aurait dû engranger 25 % de gains
de productivité en un an dans sa conception et sa fabrication par rapport à un
produit américain. A l'évidence ce dumping monétaire a un impact fort sur le
commerce international et sur la croissance. Au surplus il peut être une incitation
puissante à la délocalisation. Ainsi les pays européens, avec l'euro fort,
peuvent non seulement payer des salaires très faibles en Chine ou en Inde mais
ils peuvent aussi investir à des coûts relatifs particulièrement faibles en
payant avec une monnaie forte. Le coût de la délocalisation des entreprises se
trouve ainsi amoindri.